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La moralisation ou l'art d'esquiver le débat


Nous assistons aujourd'hui à une perversion du débat intellectuel. Qu'il soit télévisé ou amical, politique ou culturel, la même maladie gangrène l'essence de l'échange et de l'émulsion intellectuelle. Cette maladie consiste à faire de l'énonciateur et non plus de l'énoncé l'objet de la critique. Il ne s'agit plus de réfuter l'argument adverse sur la plan de la raison, mais de démonter l'adversaire par le jugement soi-disant moral. La confrontation des opinions ne devient qu'un prélude aux imprécations et aux condamnations.

L’essence du débat se trouve dans l'argumentation que chacune des parties se propose de construire afin de défendre sa thèse et de prouver sa supériorité par rapport à celle de la partie adverse. Cette supériorité est définie sur le plan de la vérité. Ainsi c'est la valeur morale du Vrai qui doit guider le débat. Pour ce faire, l'argumentaire doit être dirigé de telle manière qu'il mette à l'épreuve les caractéristiques fondamentales de la vérité : la cohérence (interne) et la correspondance (externe). La viabilité du raisonnement et la correspondance de sa conclusion par rapport au monde réel sont les deux points fondamentaux d'une idée vraie et par conséquent les fondements qui doivent être mis à l'épreuve durant une confrontation d'idées.

Cette définition pourtant simple du débat qui pose les conditions indispensables d'un échange intellectuel positivement utile est de plus en plus négligée. Le débat quitte le domaine de la raison pour se jeter dans celui du sentiment. Les attaques personnelles remplacent les arguments rationnels et purement objectifs, les uns répondent aux autres par d'autres attaques, le ton monte, la parole laisse place aux cris, la réflexion aux sentiments. A combien de spectacles comme celui-ci avons nous assisté ? Assez pour en analyser les procédés récurant.

Tous ont pour but de s'attaquer à l’énonciateur, fin malhonnête sur la plan de la raison pure comme nous l'avons vu plus haut. Bien sur on ne peut séparer totalement l'énoncé de son énonciateur (ce que nous explique bien la phénoménologie néokantienne : « La perception est intention », notre subjectivité influençant notre perception des choses et donc nos opinions) mais ceci permet tout au plus d'expliquer pourquoi l'énonciateur pense ce qu'il énonce et non pas que l'énoncé est faux.

Découlant de cela le premier procédé qui fait couramment force dans le débat est celui de la psychologisation de l'adversaire. Sorte d'extension du principe intentionnalité de la perception que nous venons d'aborder, elle permet de considérer l'origine supposée de l'idée énoncée comme plus importante que l'idée elle même. Cela fonctionne en trois temps : le premier à pour but de transférer l’intérêt du débat de l'idée à son origine subjective (ce qui revient à chasser l'idée de la conversation) le second à affirmer, sans démontrer, que l'origine de cette idée est immorale, et le troisième temps, le plus subreptice, consiste en l'automatisme qui permet d'assimiler d'une part la prétendue immoralité de l'origine de l'idée à l'idée elle même (l'idée devient immorale) et d'autre part à faire de l'immoralité prétendue de cette idée la preuve que l'idée est fausse. Par exemple, si le débat porte sur l'immigration (sujet propice au débat stérile), si une partie essaie de démontrer économiquement que l’immigration n'a plus de sens aujourd'hui, la partie adverse pourra annoncer que cette idée provient de la peur voire de la haine de l'Autre, que ce sentiment (nous quittons la raison pour le sentiment) étant injustifiable sur le plan moral, l'idée de se porter contre l'immigration est aussi par filiation injustifiable et donc, sans avoir débattu sur le plan économique (l'idée de départ qui doit être contestée sur le plan de la cohérence et de la correspondance si elle est fausse), l'idée à été réfutée sans même avoir été abordée. Procédé incohérent (ne pouvant donc mener à la vérité) mais néanmoins efficace puisqu'il fait appel à nos sentiments et non à notre rationalité.

Ce procédé s'appuie lui même sur un autre qui est celui de la moralisation du débat. Toujours en écartant la raison et l'idée elle même, on fait appel au subjectif. On fait donc appel à la subjectivité de l'interlocuteur (« en quoi cela te gène que... ») au lieu de faire appel à sa raison objective (« démontre moi que... ») puis on soumet son avis subjectif à une morale indémontrée (« C'est pas bien »). On entre encore dans le jugement soi-disant moral le seul but étant de décrédibiliser l'adversaire sans jamais s'attaquer à l'argument, à l'idée en elle même. C'est exactement l'inverse de la maïeutique socratique qui changeait l'individu sans jamais s'y attaquer, ne travaillant que sur le terrain de la raison et de l'idée.

Toute cette construction morale, ce corset de valeurs jamais démontrées conduit à l'élaboration d'un système de pensée totalement intolérant. En jouant sur les sentiments, il ne nous est plus permis de laisser nôtre raison avancer de manière logique indéfiniment, car si nôtre cheminement de pensée heurte une de ces barrières morales nous savons que nous serons pointés du doigt. Il devient plus important d'être moral (nous parlons bien ici de la pseudo-morale moderne et ne remettons pas en cause l'universalité de la Morale rationnelle), c'est à dire soumis à un credo de valeurs indemontrées et imposées, que d'être rationnel. Certaines pensées sont donc interdites parce que considérées comme immorales et la possibilité d'exposer leur fondement sur le plan de la raison est supprimée.

Par exemple il a été reproché plusieurs fois à l'administration de ce site d'avoir choisis le nom de Patriote, l'argument fournis étant que ce mot connotait l'idée de nationalisme. Argument sans puissance me direz-vous ? Dîtes à 10 personnes que vous êtes nationaliste et écoutez leur réaction. Demandez à ces 10 personnes de définir historiquement le nationalisme et de ne pas le confondre avec le fascisme. Même si ils en sont incapables vous aurez tort, car celui qui a raison aujourd'hui n'est pas celui qui dit vrai mais celui qui est "moral". Or la morale, comme la vérité possède un fondement rationnel et en chassant la raison du débat, on donne toute puissance à la morale indémontrée puisqu'elle devient indémontrable donc inattaquable.

Voila donc encore une fois l'occasion d'exposer le but fondamental de ce site. Celui-ci n'est pas d'inculquer quelque idée politique que ce soit mais de fournir un raisonnement logique qui peut et doit être discuté toujours sur ce même plan de la logique. Prenons conscience de l'impasse intellectuelle dans laquelle nous sommes tombés, autorisons nous à réfléchir, à ne plus soumettre notre réfexion aux obligations morales et demandons nous si cette morale hypocrite est réellement fondée.

Le Vrai, comme le Beau et le Bon, est de l'ordre de la Morale et rappelons nous bien que Socrate lui même fit les frais de la condamnation « morale » des idées . N'avons nous rien appris depuis 24 siècles ?


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